Que faire de ce virus qui nous accable ?

Notre regard au 4 mai 2020. Quels seraient les effets d’une pandémie mondiale ? Nous avons aujourd’hui la réponse à cette question que nous ne nous étions pas ou très peu posée.

Le cœur du monde tel que nous le connaissions ne bat plus qu’à bas bruit, comme suspendu ou en sursis. Il existe depuis longtemps d’autres maux silencieux, qui tuent bien plus que ce covid inconnu. Mais ses conséquences sur notre vie collective est si destructrice qu’elle devient l’élément central de nos préoccupations. Parmi toutes les crises que nous connaissions déjà : climatique et environnementale, économique et sociale, démographique, démocratique ; elle est devenue celle qui prend le pas sur toutes les autres, tant elle remet en cause notre vie en commun. Elle s’affirme ainsi, en ce moment, comme la crise des crises, parce qu’elle complexifie chacune d’elle et la résolution de toutes. Mais en même temps et   paradoxalement, quelques soient sa brutalité et les incertitudes immenses qu’elle porte, elle constitue potentiellement une véritable opportunité pour remettre en cause cette recherche effrénée de croissance et de création de richesses qui menace le devenir de l’humanité et qui, en détruisant les espaces naturels, en est directement la cause.

Les gouvernements qui consacrent des moyens si considérables et prennent des décisions si radicales pour préserver la vie de leurs concitoyens, doivent s’interroger sur les raisons de leurs choix.

S’agit-il pour eux de vouloir préserver le capital humain pour relancer l’économie sur ses logiques de développement antérieures ou de mettre la santé publique à l’épicentre des défis du 21e siècle ?  Si nous repartons comme avant et au pire en s’attachant à rattraper le retard accumulé, la crise climatique et environnementale que nous nous apprêtons à vivre au cours des prochaines décennies rangera l’épidémie actuelle au rang d’un épisode subsidiaire. Si c’est par contre l’amélioration de notre santé collective qui préside aux décisions politiques à venir, alors tous les repères et les objectifs changent. Santé de la planète et santé humaine se conjuguent dans une même perspective pour sortir par le haut de cette impasse mortifère. Mais même si de multiples voix s’élèvent pour ce changement de paradigme, le bouleversement est si grand et les intérêts en jeu si considérables que la confrontation qui s’engage risque d’être particulièrement violente, tant le combat est à priori inégale entre les puissances de l’argent et l’humanité toute entière.

Si nous voulons refaire société, nous devons placer la santé à l’épicentre de toutes les politiques et repenser son rapport à l’économie et à l’éducation.

Tout est collectivement à réinventer.  Dans un monde totalement bouleversé, avec des pans entiers de nos activités économiques qui s’effondrent, il existe une absolue nécessité de remise en perspective et de se fixer un horizon dans lequel le plus grand nombre se retrouve, reprend espoir et se mobilise.  Nous avons besoin de beaucoup d’autres choses que de nous accoutumer à vivre avec ce virus ou celui qui pourrait lui succéder à terme. L’indispensable veille sanitaire mondiale qui reste à construire, une politique de prévention proactive, une nouvelle adéquation de notre système de santé à la complexité des enjeux de la suite du 21e siècle, n’ont de sens que si nous nous mettons en mesure de repenser notre vie en société et de la reconstruire différemment et collectivement. L’économie sociale et solidaire, la sobriété énergétique et une démocratie renouvelée en sont sans doute les clés. Sinon l’état d’urgence sanitaire pourrait facilement aboutir à un Etat totalitaire qui trouverait sa justification dans le désordre et les révoltes suscités par une crise dont les conséquences deviendraient trop lourdes et conduiraient au désespoir une grande partie de nos concitoyens. Il est temps de partager les idées, de débattre et de choisir.

Roland Michel & Solange Ménival

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