Les infirmier(e)s acteurs déterminants de la transformation de notre système de santé

700.000 infirmières et infirmiers[1]exercent leur métier au quotidien, au plus près des besoins de la population dans les territoires. Ils ont un rôle majeur à jouer dans la transition et la transformation du système de santé. Cela implique pour tous de conquérir un nouvel espace de reconnaissance et de marge d’initiatives.

Aux journées de l’Infirmières le 7 novembre à Bordeaux

Quelle santé à l’horizon 2030 ?

La santé est désormais la première préoccupation des Français. Elle est à l’épicentre d’immenses défis : démographique, épidémiologique, social, institutionnel, territorial, scientifique et technologique, économique, climatique et démocratique. Vers où allons-nous ?

Nous menons, depuis plusieurs années une étude prospective, actualisée en continue, qui constitue le fil rouge de notre réflexion. Elle repose sur trois scénarios. Le premier est celui de l’Etat réformateur, aujourd’hui « Ma Santé 2022 ». Nouvelle grande réforme qui fait suite à celles mis en œuvre par les gouvernements précédents, alors que le système de santé vit aujourd’hui une tension extrême. Si les intentions sont bonnes, la conduite à leur terme des chantiers mis en œuvre interroge, au regard du temps imparti et des moyens engagés. En matière de santé, comme d’autres grands domaines régaliens, là où il faudrait à la fois une vision à long terme et une plus grande agilité, l’Etat centralisateur demeure trop lourd, trop lent et trop technocratique. Si on prend le seul exemple de la profession infirmière, il aura fallu 16 ans pour que le législateur consacre, en 2019, les premières infirmières en pratiques avancées (IPA), par rapport à la première définition des délégations de tâches et de compétences donnée par le Rapport Berland en 2003.

Le second scénario est celui d’une « Gouvernance de la santé repensée pour les territoires ». C’est un changement complet de paradigme reposant sur une organisation décentralisée, avec un nouveau modèle de référence tournée vers le maintien en bonne santé. Subsidiarité, confiance et autonomie des acteurs en constituent les principes. Il suppose une reconnaissance des spécificités territoriales et des initiatives des collectivités, des professionnels et des patients. C’est un système plus agile, plus à même d’intégrer les innovations et d’améliorer notre santé, à l’exemple du plus grand nombre des pays européens. Il implique une redistribution des rôles, de nouvelles règles et de nouveaux principes d’organisation entre l’Etat et les collectivités territoriales. Un exemple probant est celui du Président du Conseil Départemental de Saône et Loire, qui faisant le constat, en 2017, que 50% des médecins généralistes vont partir prochainement à la retraite, décide de créer un Centre de santé départemental, bien que cela ne relève pas de sa compétence. Il recrute 45 praticiens en deux ans, qui exercent désormais sur l’ensemble du territoire, assistés par une plateforme de prise de rendez-vous avec un numéro unique et des secrétariats dédiés.

Le troisième scénario est celui où « les GAFAM [1]et les BATX[2] prennent la main ». Ils tissent leur toile sur le système de santé, dont ils font une de leur principale cible de développement. L’Etat échouant à conduire une transformation efficiente du système de santé s’engage dans une forme de sous-traitance aux GAFAM et BATX lui permettant de se dégager de sa gestion. Ils gèrent des plateformes qui proposent des services de santé à distance moyennant des abonnements assurantiels. Le système se privatise de fait. Si l’on prend le seul exemple d’Amazon, cette entreprise mondiale a, dans la seule année 2018, créé une assurance santé, acheté une pharmacie en ligne et développé un logiciel de traitement des données destiné aux professionnels de santé. Il projette de se positionner prochainement sur la distribution d’équipements médicaux. Partant de son serveur vocal permettant d’échanger avec une intelligence artificielle (Alexa), une collecte massive des données (Big Data), l’usage d’objets connectés et la e. prescription, il a pour ambition finale de bâtir un parcours de santé global permettant à un patient de réaliser la plupart de ses soins au sein de l’écosystème Amazon de produits et de services.

Il est temps d’agir : Valoriser ou être ubérisé

Les fondamentaux de notre système de santé et de protection sociale sont au pied du mur face à la brutale transformation du monde. La perte de référence au métier et la déprofessionnalisation conduisent à la dévalorisation et à l’Ubérisation, où tout le monde devient interchangeable. L’injonction néo-libérale « Il faut s’adapter » conduit à un nivellement par le bas et à une paupérisation. Il appartient à tous d’opposer une action stratégique résolue à une dégradation potentielle de notre système de santé et aux valeurs sur lesquelles il se fonde. 700. 000 infirmières et infirmiers constituent une force considérable. Ils ont un espace de reconnaissance et de possibilité d’initiative à conquérir. On ne peut plus ignorer leurs compétences, leur fonction systémique et globalisante, leur déploiement territorial et leur capacité à identifier et coder les actes. L’ensemble de leurs tâches doivent être rémunérées. Il faut oser l’émancipation, lever les obstacles réglementaires à la reconnaissance des compétences, mesurer l’efficience des actes infirmiers et renforcer la position des infirmières et infirmiers dans la gestion du système de santé.

 

 

 

 

 

 

[1] Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft

[2] Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi

[1] 70.000 en Nouvelle Aquitaine

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