Notre regard au 10 avril 2020
Après le COVID19, « Faire ensemble société autour de la santé » prend une étrange résonance alors que la moitié de l’humanité se retrouve confinée
En France les soignants et les hospitaliers en colère, qui dénonçaient leurs manques de moyens et leurs faibles revenus, ont mis leurs luttes sociales en mémoire et mènent le combat pied à pied contre le coronavirus. Ils travaillent sans compter leurs efforts et leur temps et en dépit des risques qu’ils prennent pour leur propre santé et parfois pour leur vie. La population les encourage et les soutient. Une situation inédite est née de cette épidémie qui nous semblait lointaine et improbable et qui s’est soudain transformée en pandémie mondiale. La plupart des Etats pris de court ont repris la main, les dogmes et les priorités d’hier sont tombés et la situation d’urgence sanitaire a pris le dessus. Nos droits fondamentaux ont été mis entre parenthèse et « Rester chez soi » est devenu la consigne citoyenne pour la majorité d’entre nous, alors que d’autres se retrouvent mobilisés et exposés au nom de l’intérêt général. Du jour au lendemain des métiers mal payés et peu valorisés sont devenus stratégiques. Des initiatives magnifiques et des solidarités nouvelles naissent chaque jour de cette crise incroyable, tout autant que des comportements individuels et collectifs nous interrogent et nous alertent.
Les français découvrent sidérés la vulnérabilité de la France, atteinte dans la souveraineté de ses approvisionnements.
La formidable créativité des professionnels de santé, encouragée et soutenue par les autorités régionales, multipliant les lits de réanimation et le ballet des TGV et des hélicoptères emportant les malades vers les régions encore épargnées, ne suffiront pas à faire oublier la gestion nationale chaotique et ses consignes contradictoires, trop souvent infantilisantes pour la population, plutôt que de s’appuyer sur l’intelligence des acteurs. Au-delà de tout ce qui était déjà dénoncé, la fragilité de notre stratégie sanitaire, incapable d’anticiper cette crise nous accable. Si l’heure n’est pas à la polémique, le bilan devra se faire. Il se décomptera en souffrance et en vies perdues à l’hôpital, dans les EHPAD et à domicile, faute de protections adaptées, de masques et de tests en nombre et en temps utile. L’explosion de l’usage du numérique en ces temps confinés doit aussi nous interroger sur notre absence très préoccupante de souveraineté dans ce domaine. En Europe et dans le monde, alors que notre interdépendance n’a jamais semblé plus évidente, les décisions gouvernementales oscillent entre se sauver tous ensemble et le chacun pour soi.
Nous avons désormais l’opportunité de penser collectivement le monde et de nous interroger sur ce qui est à reconstruire.
Que sera notre nouvel univers, dans lequel la prévention du risque épidémique pourrait devenir pour longtemps la règle première, alors que nous nous retrouvons face à un abîme économique aux conséquences sociales imprévisibles et que le réchauffement climatique demeure omniprésent ? Qu’en sera-t-il de nos libertés dans de telles conditions ? Les questions ne manquent pas et traduisent l’incertitude dans laquelle nous allons vivre désormais. Mais rien n’est inéluctable. Aux prévisions les plus sombres peuvent s’opposer d’autres scénarios de sortie par le haut. Jamais « Faire ensemble société autour de la santé » n’aura eu plus de sens et cette pandémie ne doit pas nous faire oublier tout ce que nous avons déjà identifié comme nouvelles dynamiques. Au moment de l’état des lieux, seule la vérité sera à même de produire de la confiance et seule la confiance pourra permettre de tracer ensemble un nouveau projet de société, en remettant à l’honneur nos valeurs et en nous appuyant sur ce que nous avons de plus précieux : notre humanité.
Solange Ménival & Roland Michel
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